Pour une meilleure transparence en matière d’expérimentation animale
Malgré des réglementations européennes de plus en plus exigeantes, l’opacité caractérise encore, en France, les conditions du recours à l’expérimentation animale. Elle peut être la conséquence de textes encore trop peu exigeants, ou de leur mauvaise application, ce qui constitue un point d’attention prioritaire. Si l’accès aux abattoirs est très sécurisé, les portes des laboratoires d’expérimentation, elles, sont tout simplement infranchissables. En comparaison, les sites nucléaires et les installations classées sont bien plus transparents, quant à leur nombre, leur localisation ou encore leurs conditions d’inspection.
Alors que la transparence se généralise, comment justifier le secret qui perdure autour des conditions d’utilisation des animaux à des fins scientifiques ? Notamment, les documents administratifs relatifs à l’expérimentation animale sont rarement publiés, ou de façon très sélective. Malgré les dispositions garantissant un droit d’accès du public à ces documents, leur communication reste particulièrement difficile à obtenir : listes des établissements pratiquant l’expérimentation animale ; décisions d’autorisation des projets d’expérimentation ; agréments des comités d’éthique chargés d’évaluer les projets ; rapport d’activité annuel du Comiténational de réflexion éthique sur l’expérimentation animale (CNREEA) ; bilans d’activité des comités d’éthique remis au CNREEA chaque année ; audits annuels réalisés par le ministère, calendrier et listes des inspections des établissements qui utilisent les animaux à des fins scientifiques ; rapports d’inspection eux-mêmes, produits par les services vétérinaires. Devant la réticence des services administratifs concernés, les saisines de la CADA, puis du juge administratif, se multiplient. Car le contexte a évolué : la protection du bien-être des animaux devient une préoccupation sociétale, en lien avec la reconnaissance de leur sensibilité ou, plus largement, en raison d’une plus grande prise en compte de l’environnement et du vivant. En matière d’expérimentation animale, la réglementation européenne s’est durcie, à partir de 2010, et les Etats membres sont incités à faire évoluer leurs pratiques, sous le regard d’associations de plus en plus vigilantes. Cela bouscule une partie du monde de la recherche, dubitative quant aux solutions alternatives proposées, inquiète de l’ouverture du débat sur le sujet et aussi des effets de la transparence nouvellement préconisée. On admettra que, dans certains cas, l’utilisation des animaux à des fins scientifiques peut être protégée par le secret, industriel ou militaire. Elle se déploie souvent dans un environnement concurrentiel, où de lourds enjeux économiques pèsent sur le progrès scientifique. Le fonctionnement mais aussi l’image des organismes de recherche, universités, établissements publics ou privés concernés sont en jeu. Si les laboratoires utilisant des animaux fuient la publicité, la transparence est nécessaire et, justement, elle permet de s’accommoder d’une médiation. Il ne s’agit pas de publier systématiquement en open data toutes les données, mais au moins de « laisser voir » les informations nécessaires au contrôle et à l’évaluation des pratiques. Car l’opacité, en la matière, est contre-productive. Si les pratiques sont conformes aux prescriptions, désormais nombreuses, alors il n’y a rien à cacher. Et si elles ne sont pas conformes, alors il faut le faire savoir. On comprend ici l’intérêt d’un processus, entamé, qui permettrait de lever l’omerta, d’assurer le plein respect des règles et de lever le voile de suspicion jeté, de façon générale, sur tout ce qui est secret, et plus particulièrement sur une pratique qui fait l’objet de beaucoup de questions, et sans doute de quelques fantasmes. Outre la transparence des données relatives à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, deux problématiques soulèvent des difficultés particulières. Il s’agit, d’une part, du fonctionnement des comités d'éthique locaux chargés de l'évaluation des projets, dont le statut juridique apparaît fragile, et au sein desquels les règles d’indépendance et de lutte contre les conflits d’intérêts sont difficilement respectées et, d’autre part, des conditions d’inspection dans les établissements d’expérimentation, dont les modalités et résultats restent trop difficilement accessibles.
Fichiers
Publié le 10/06/2022
L'autrice