L'Élysée

L'Élysée demeure un lieu méconnu sur lequel ne cesse de planer l'ombre de celui qui l'incarne. Le Président de la République, dont la personne frappe d'invisibilité les coulisses du pouvoir, nous a fait oublier qu'il s'agit aussi du siège d'une autorité politique et administrative qui dispose d'un budget, s'organise en différents services, se compose d'un personnel très varié... En dépassant la seule approche constitutionnelle, il s'agit de mettre en lumière cette organisation peu évoquée en interrogeant les aspects régaliens, administratifs ou encore financiers.  Pour autant, en raison de son indépendance institutionnelle, l'Élysée a sécrété son propre régime juridique et reste très largement une institution « hors-normes » qui fonctionne sur la base de pratiques et de conventions difficiles à mettre au clair pour le juriste. Il faut donc croiser les regards pour approcher cette organisation si particulière, dans sa formation historique, ses rapports de force politiques, ses contrôles budgétaires..., ou encore dans ses règles de sécurité et ses formes de communication. Tout dans l'Élysée respire la souveraineté de l'État. Pourtant, l'institution élyséenne est-elle organisée de manière à assurer si efficacement l'autorité politique du Président ? Quels sont les hommes qui contribuent à façonner chaque jour le mythe présidentiel ? Dans quelle instance élyséenne se prépare la décision publique et avec qui ? La lumière ici projetée sur l'Élysée apporte quelques éléments de compréhension sur le pouvoir politique en examinant le rôle d'acteurs mésestimés, la place de services oubliés et l'exercice de fonctions méconnues.

Qui y a t-il derrière les grilles du 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré ?

La réponse, a priori, est simple : le Président de la République. Et c'est ici que les juristes ou les politisâtes interviennent pour commenter, analyser, disserter sur l'institution, ses pouvoirs ou encore l'implication du chef de l'État dans la vie politique française. Mais comment envisager le lieu ? Avec son locataire ? Les deux en même temps ?Effectivement le mot "Élysée", est, dès le départ, un objet délicat à appréhender. Les historiens voire les géographes ont parfaitement raconté l'histoire de ce Palais, hôtel d'Évreux datant du XVIIIe siècle et dans lequel se sont succédé des personnages connus - marquise de Pompadour, maréchal Murat - avant que le Palais de l'Élysée ne devienne la résidence des présidents de la République dès Louis Napoléon Bonaparte. Aux plans politique et juridique, peu de choses sont relatées eu égard à l'Élysée, certes palais républicain. En réalité c'est par le prisme du Président de la République, véritable incarnation du lieu, que les travaux ayant pour thème l'Élysée traitent. Raconter l'Élysée, c'est parler du chef de l'État. D'ailleurs le mot "Élysée" est souvent absent des intitulés d'articles de doctrine ou d'ouvrages juridiques. Pour l'essentiel des écrits, nombre d'entre eux traitent du chef de l'État, du Président, du présidentialisme, etc. sans que le mot même de l'Élysée ne soit retenu dans la majorité des intitulés.

Dès lors l'Élysée peut être saisi sous un angle strictement juridique ou strictement politique, ou les deux en questionnant par exemple la structure du pouvoir exécutif, ou encore la condition, le rôle, le statut ou les pouvoirs du Président. L'Élysée demeure donc un lieu symbolique et le regard du juriste s'inscrit dans une approche classique consistante, comme le soulignait Michel Debré, à envisager le Président de la République comme la clef de voûte des institutions de la Ve République. Si le régime a évolué depuis le monarque républicain incarné par le général de Gaulle et l'instauration du présidentialisme jusqu'aux présidences du XXIe siècle avec diverses fluctuations selon les périodes et la personnalité du Président en place, la réflexion, juridique et particulièrement constitutionnelle, demeure centrale.

Mais cette approche, aussi éclairante soit-elle ne relate pas complètement ce qui se cache derrière le mot "Élysée". Il est en effet la coquille d'une multitude d'activités, de métiers et de fonctions, certes au service du chef de l'État, mais qui suscitent de plus en plus d'intérêt. Derrière elle apparaissent autant d'individus - la présidence a un plafond d'emplois de 825 équivalents temps plein - mettant en ouevre l'action et l'administration présidentielles qu'il s'agisse des ressources humaines, de l'immobiliern-, du patrimoine, de la sécurité ou de l'organisation des services. Si le cinéma ou les médias numériques sont un bon révélateur de l'attention portée à un sujet, on dénombrera peu de reportages ou documentaires sur cette face cachée du Palais de l'Élysée, alors que plusieurs films à succès concernant le Président ou la présidence de la République jalonnent la Ve République. Les projecteurs sont donc rarement dirigés vers les coulisses et seul le premeir rôle est mis en avant.

Or c'est précisément l'objet de cet ouvrage : changer le regard et se tourner vers le Palais en questionnant un certain nombre d'aspects qui n'ont, pendant longremps, peu ou pas retenu l'attention et sont restés dans l'ombre. Les éclairer apporte de la compréhension voire même de la démythification. Cette démarche devient aujourd'hui nécessiare afin d'apporter uen transparence qui, depuis une vingtaine d'années, est devenue, à tort ou à raison, une exigence structurante de l'organisation de nos sociétés et institutions démocratiques. Plusieurs angles d'observation seront ainsi abordés : l'institution, l'histoire, l'organisation adminsitrative, les finances, les contrôles et responsabilités, l'ouvrage faisant intervenir différentes disciplines : constitutionnalistes, historiens, politistes.

Ainsi, la lumière projetée sur l'Élysée mettra-t-elle en évidence avec, le plus de relief et de questions, d'abord, ceux qui vievent entre ses murs, ses acteurs, à savoir le Président et ceux qui l'entourent et travaillent avec lui sur des champs régaliens notamment. Force est de constater alors que l'Élysée, en tant qu'objet d'étude, ne se départit pas du Président de la République qui est, comme l'indique l'un des auteurs, un capitaine, parfois solitaire, mais à la tête d'un équipage qui réalise de nombreuses manoeuvres parfois délicates, mais surtout qui ne sont pas nécessairement formalisées, écrites ou organisées dans les textes juridiques clairs. Cela se vérifie aussi biien au regard des focntions exercées en relation avec le peuple et les territoires local, européen ou international ou dans des circonstances exceptionnelles qu'à l'aune des contrôles dont le Président de la République est, en définitve, exempté mais non ses collaboratuers ou membres de ses services. Sans doute l'isolement institutionnel et la verticalité d'exercice des pouvoirs du Président de la République expliquent-ils, pour partie, ce constat mais permettront-ils de la justifier à l'avenir ? Rien n'est moins sûr.

Liens

Publié le 14/03/2023