Faire du droit d'accès aux documents administratifs dans l'UE une réalité
Fichiers
Le jugement du Tribunal de l’UE, en mai 2025, invalidant la décision de la Commission européenne de ne pas divulguer les textos échangés entre sa présidente et le directeur général de Pfizer pour négocier l’achat de vaccins par l’UE a braqué les projecteurs médiatiques sur la procédure européenne d’accès aux documents administratifs. Cette procédure est mise en œuvre par un texte juridique vieux de vingt ans, mais encore tout à fait adapté. Son application concrète fait toutefois défaut, particulièrement en raison de réticences de la Commission européenne à le suivre à la lettre.
Nos propositions :
Le règlement dédié à l’accès aux documents fournit un cadre théorique adapté, et ne doit pas être revu. Il faut, en revanche, rendre sa mise en œuvre effective.
Proposition 1
Assurer le respect le plus objectif possible du règlement, en renforçant la position des unités dédiés au sein de la Commission.
Les institutions européennes, en particulier la Commission, doivent appliquer le règlement à la lettre, en respectant strictement les délais légaux et en restant le plus proche possible du règlement et de la jurisprudence lors de l’utilisation des exceptions.
Au sein de la Commission européenne, les demandes d’accès initiales sont traitées par les unités dédiées à la gestion des documents au sein de chaque direction générale. Ces unités devraient être équipées pour traiter ces demandes correctement.
Cela nécessite 1/ de s’assurer qu’elles ont suffisamment d’effectifs pour faire ce travail, et que ces effectifs sont formes et sensibilises au sujet de l’accès aux documents ; 2/ de leur donner, en l’inscrivant dans les documents qui fixent les méthodes de travail de l’institution, l’autorité nécessaire pour exiger que leur collègue visés par les demandes leur répondent promptement ; 3/ de renforcer le lien direct entre ces unités et le service juridique central de l’institution, afin de s’assurer que le traitement des demandes initiales soit faites sur une base aussi objective que possible. Sur ce dernier point, il serait par exemple possible de demander que les décisions finales relatives aux demandes initiales soient validées par le service juridique, et non par les directeurs généraux comme c’est actuellement le cas.
Proposition 2
Rejeter les nouvelles règles de procédure de la Commission européenne
Ce texte interne à l’exécutif, et adopté sans aucune consultation ni délibérations avec d’autres organes, réduit considérablement la portée du règlement. La Commission doit impérativement rejeter ces règles de procédure – ce qu’elle a le droit de faire de façon unilatérale et immédiate.
Si ses services jugent qu’il est nécessaire d’amender ce texte, elle doit ouvrir un processus de consultation pour en discuter en détails avec des usagers de la procédure d’accès aux documents - les représentants de la presse, de la société civile, et des lobbys ou avocats avec lesquels elle entretient déjà un dialogue constant sur divers propositions législatives[1].
Proposition 3
Améliorer les registres de documents de la Commission et du Parlement européen
Un travail efficace de demande d’accès aux documents ne peut se faire que si le demandeur sait quels sont les documents qui existent. Pour cela, les institutions doivent chacune avoir un registre public listant tous les documents, même si certains d’entre eux ne sont pas en accès libre.
Sur ce point, seul le registre du Conseil de l’UE est réellement utilisable, avec la liste quasi-complète de tous les documents qui transite par l’institution, une description suffisamment claire des documents non publics pour permettre de comprendre de quoi il s’agit, et un référencement multiple par thème et par date – des informations qui ne sont pas aussi aisément accessible du côté de la Commission et du Parlement.
Par ailleurs, il serait utile d’avoir accès aux informations relatives aux document de chaque institution via un point unique, pour faciliter les recherches. Or les institutions européennes sont justement en train de développer une « plateforme législative commune », dont une version préliminaire a été lancée en avril 2024, dans le but d’être complétée cette année[2]. Les institutions devraient profiter de ce travail en cours pour s’assurer que cette plateforme recense tous les documents, même préliminaires, liée à ces procédures législatives, et permette de faire directement des demandes d’accès.
[1] La presse a ici un statut à part, car elle ne participe pas de façon structurée aux concertations de la Commission européenne. Un réseau de journalistes usagers de la procédure européenne d’accès aux documents a toutefois été créé en 2024 pour les représenter sur cette question – cf. https://transparency-register.europa.eu/search-register-or-update/organisation-detail_en?id=731491998390-54
[2] “EU Law Tracker”, disponible ici: https://law-tracker.europa.eu/content/about?lang=fr
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Publié le 17/11/2025
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